Le théâtre Nô : L’exercice de la vison globale

Le remarquable article de Jacques Bonemaison sur le théâtre Nô ci-joint met en évidence deux mots principaux du vocabulaire japonais et illustrent le rapport étroit entre le cœur et l’esprit :

-le premier est Zanshin qui signifie :  Rester sur ses gardes, rester vigilant en toutes circonstances, ne pas relâcher son attention que l’on ait gagné ou perdu un combat.

-le deuxième est Mushin qui signifie : Garder un état d’esprit dans lequel, celui-ci n’est préoccupé par rien : L’esprit doit être comme l’eau, adaptable à toute situation. L’eau demeure d’un bleu pur et peut prendre la forme d’une simple goutte ou d’un océan. Miyamoto Musashi.

De ce point de vue la pièce de théâtre, comme le tatami du dojo est le reflet de la vie de tous les jours, le monde est divisé en deux catégories, les acteurs qui jouent un rôle et les spectateurs qui regardent la scène et qui entrent dans le jeu. A la différence près que les acteurs du théâtre Nô, doivent se concentrer exclusivement dans leur rôle particulier, le suivre à la lettre sans pouvoir improviser et que les spectateurs doivent se concentrer sur la globalité de la scène et suivre le fil de l’histoire qui se déroule sous leurs yeux sans penser à ceci ou cela.

La scène se passe dans un restaurant. Un élève y a invité son maître après un entrainement pour bénéficier de ses enseignements et prépare déjà la liste des questions techniques qu’il va lui poser. Une serveuse amène le menu, le commente de ses conseils, ils choisissent leurs plats qui leur sont après quelques instants servis de belles manières. L’élève commence à poser ses questions, le maitre écoute sans parler. La serveuse revient pour demander si tout va bien et si les plats sont appréciés, l’élève qui trouve la serveuse et le plat à son gout ne tarit pas d’éloge et l’inonde de compliments. Le maitre ne dit rien et sait que le seul qui mérite un compliment est en réalité le cuisinier qui a composé les plats et qui est resté caché dans sa cuisine. Les spectateurs qui ont compris la subtilité de la scène vont sortir du théâtre satisfait de la représentation en ayant l’impression que celle-ci respecte les canons de la tradition. Ceux ont la sensation de ne pas avoir tout perçu se disent qu’il serait bon qu’ils reviennent, car un détail aurait pu leur échapper ? Lorsque le cerveau bouge avant le corps, l’illusion apparait, l’imagination se met en route et éloigne acteurs et spectateurs de la réalité. Miyamoto Musashi mentionne cet impératif dans les arts martiaux : s’habituer au jugement intuitif, cela signifie que l’intuition, la vision globale, se travaille s’aiguise et s’exerce à mesure que l’on y a recours, comme n’importe quelle aptitude : La voie à suivre, n’est pas seul de rechercher les plaisirs du corps, d’éviter toute inclinaison à la cupidité, la jalousie, la tristesse, la rancune, les préférences et le confort.

Ci vis pacem parabellum : Si tu veux vivre en paix prépare la guerre[1].

Le regard global du petit enfant[2] au centre de la crèche est aussi au moment des fêtes de fin d’années un regard de paix sur le monde. C’est ce regard pénétrant qui augmente notre capacité à calmer notre esprit et nous invite à cultiver en nous même paix et harmonie, c’est dans ces conditions que l’intuition devient force de vie et que les armes se mettent au placard.

 

Télécharger l'article de Jacques Bonemaison sur le théâtre Nô ici.

 

Toute l’équipe de Go-patrimoine vous souhaiter un joyeux Noël suivit d’une excellente année 2021.

Boscagli Guy.

 


[1] C’était la devise que Tamura Sensei avait suggéré pour la création de notre club d’Aïkido en Principauté de Monaco en 1975.

[2] En japonais l’idéogramme Irimi désigne à la fois le geste de pénétrer, transpercer avec sa lance le corps de l’adversaire et aussi revenir à l’état de petit enfant dans le ventre de sa mère.